Gobi [3.5]

En soirée, je suis rattrapée par le spokespersonship : O., Pf, Zy et moi avons une réunion au sommet assez tendue avec d’autres bouts du monde, en visio depuis le préfabriqué « cuisine », parmi les restes de cacahuètes et le cendrier improvisé.

Puis rattrapée par la direction du laboratoire : dans la même heure, la vie sombre des autres vient goudronner ma boîte mail, mais aussi une excellente première nouvelle attendue, puis une seconde étonnante… O. à côté de moi se bat avec ses codes : « Putain, mais c’est ça en fait, suis trop con. Tu vas voir comment je vais lui niquer sa mère. Et bam ! ».

Nous sortons prendre l’air et je lâche, en rigolant, alors qu’il boit une mauvaise bière et moi un Earl grey, devant Orion : « Je trouve que ma vie est un peu compliquée, quand même. » Il m’écoute dire les choses à demi-mot. Je ne veux pas le bassiner avec mes problèmes de direction, alors qu’on est sur le site de notre projet avec d’autres questions techniques et politiques. D’autant que je me sens coupable de ne pas être entièrement spokesperson, de faire mon autre job de directrice dans cette salle commune, comme si je me donnais des airs. Je balaie le tout : « Mais on s’en fout en fait. » Et lui : « Bah non, pas du tout, c’est vachement important. » À peine assis à la Work Room, il me voit dégainer des messages. « T’envoies combien de mails par jour, toi ? Tu sais qu’à chaque fois que j’envoie un mail, je pense à toi ? Je me dis : ça fait chier, mais rappelle-toi que pour Electre, ça doit être dix fois pire. » Il fabrique un cœur avec les mains.

C’était aujourd’hui la date limite qui avait été officiellement annoncée pour recevoir les résultats de l’ERC. « Vous auriez des nouvelles de la nôtre ? » demande O. sur le fil commun. Fr. est en train de bidouiller sur la machine d’analyses de données, qu’il appelle affectueusement « l’anal ». Ça dégouline beaucoup et ça rit aux éclats.

Les autres sont allés se coucher, tard dans la nuit, on bavarde sur le concept de bonheur avec F. Je n’ose lui dire tout ce qui s’agite juste sous ma peau, les ondes hautes fréquences de la jubilation, je ne sais pas ce qu’il en sera de toutes ces nouvelles – maintenant qu’on a une ERC, il va falloir trimer pour réaliser ce qu’on a promis, maintenant qu’on nous a accordé des postes au laboratoire, il va falloir trouver des candidats idéaux, maintenant qu’on m’a dit que je pouvais écrire quelque chose de puissant, il faut écrire… Il reste un quart de chat de Schrödinger, et les autres sont sortis vivants. Ce n’est pas juste qu’ils sont vivants, je me sens soutenue, si soutenue dans ce que j’entreprends.

Son : Aretha Franklin, It Ain’t Necessarily So, 1961

Extrait de Alexander Calder, Animal Sketching, 1926

Gobi [1]

Les cailloux se patinent sous les particules de sable et les UV faussement tendres. La peau, elle, brûle en fin de journée.

« Are you happy with your day? » demande O. à la cantonade dînatoire, baguettes en l’air sur son bol en plastique jetable, plein de nouilles et de pattes de poulet épicées.

Le bonheur a diffusé doucement et sûrement dans mes pores, bonheur fou d’être là, au cœur du Gobi, à fouler les mêmes croûtes de sable que l’année dernière, dans l’air froid qui pique comme au ski, me sentir chez moi à des centaines de kilomètres de la civilisation, dans cette plaine qu’habitent nos antennes solitaires.

Dès l’aube, ballotée sur les pistes pendant des heures, épaule contre épaule avec O., dans une symbiose telle qu’on ne l’associe plus à des sentiments descriptibles. Il dit avec gouaille et affection : « Vraiment, on est arrivé à un tel point de confiance – enfin, on s’est toujours fait confiance, hein – mais là, on se connaît tellement bien, que c’est d’une fluidité… » suivi d’un bon quart d’heure à s’envoyer des fleurs sur nos qualités respectives.

Avec Pf, parcourir le site à la recherche des silhouettes d’antennes parmi les accidents de sable, mesurer leur position précise avec un instrument GPS, puis vêtir deux d’entre elles d’une jupe qui leur retirera des bruits parasites… Je fais de nombreux allers-retours en 4×4 seule, à toute allure dans les tracés de rivières, pour récupérer du matériel manquant à la base ; au couchant nous prenons des selfies, l’antenne dans son nouvel habit a l’air d’une alsacienne.

Jusque tard dans la soirée, O. et V. se prennent la tête sur un code qui ne marche pas, F. est coincé à l’aéroport depuis la veille avec sa valise perdue, je mange du chocolat noir équitable et loue la merveilleuse nouvelle machine nespresso qui me permet d’être dans la Work Room avec tout le monde malgré mes 3h de sommeil. Fr. débugge mes problèmes de migration de fichiers, je trace le spectre des antennes à robe.

Je sors de nombreuses fois faire pipi dans la nuit, il fait glacial, -4 degrés, et notre préfabriqué au portail de fer forgé brille sous la Grande Ourse. Je rabats ma capuche pour la vue périphérique, je tourne sous la Voie lactée, où que je regarde ces monceaux d’étoiles, tant de ciel, tant d’univers, et cette journée dans le terrain comme s’il m’appartenait – comme si cette expérience était mienne… ensemble on l’a dessinée, avec O., Pf et les autres, et aujourd’hui elle me porte dans son lit de désert, elle m’accueille et m’adopte. Je joue à l’expérimentatrice, l’exploratrice, un peu à la spokesperson, et voilà tout est juste, tout m’emplit d’un étrange bonheur. (O. m’écrit : « On a eu l’ERC. » )

Son : Efterklang, Dreams Today, in Piramida, 2012

Xiaodushan, désert de Gobi, au couchant, octobre 2025
Notre base de vie, Xiaodushan, désert de Gobi, sous la Grande Ourse, octobre 2025

Follow the light

heureusement, on m’entraîne dans des petites librairies envahies de livres anciens, on me refourgue un nrf, je me retrouve sur une chaise de paille dans une église, devant un tiramisu au matcha à côté d’un manchot et son bébé au pochoir sur la pierre crème, heureusement j’abuse de mes droits de directrice pour jouer aux antennes RTK avec F. dans la nuit et le week-end, je regarde l’hypnotique déroulé de l’imprimante 3D, les pièces à fixer sur nos antennes dans le Gobi pour mesurer les positions exactes par GPS. Dans mon bureau aux chaises damassées japonaises turquoises, à côté du kakemono de Tao Yuanming, sur la grande table de réunion vieille comme l’institut, nous bricolons les boîtiers et les cartes électroniques, puis parlons avec 15 satellites qui envoient leurs phases. les messages d’un autre monde continuent de couler comme l’ombre roule dans mon vaste bureau de directrice, j’écris d’entre une forêts de GNSS à des trains qui filent, on m’accompagne, on me lit. on me lit (!) et j’aimerais expliquer que c’est là que réside la chose qui bat et qui vibre, tout le reste est facile d’accès, d’entrées multiples, mais pour ça, il n’y a qu’une seule porte et quand on prend la peine d’y pénétrer, d’y fureter, c’est là

Son : Armel Dupas Trio, Follow The Light, in Lookin’Up, 2022

Paris, octobre 2025

Au bureau, au musée de minéralogie des Mines de Paris

Attablée devant des junis, un fils de chaque côté, en rang d’oignon à la boulangerie arménienne. A. propose de retourner chez Giacometti. Je propose Bourdelle, Zadkine ou des cailloux. Ils choisissent les cailloux. Sur le chemin tombent des commentaires sur mes slides et notes du grand oral du quinquennat pour le laboratoire et autres implémentations sur l’ERC, des documents à signer, à vérifier, des lettres à écrire, des journalistes et des projets arts & science, j’avise une table ronde au milieu des rangées de vitrines anciennes où dorment paisiblement les pierres. Les tilleuls penchent dans le vent par la porte-fenêtre grande ouverte. Les galeries continuent en des salles gigognes. Les enfants furètent entre les joyaux de couronne française, les sépiolites déguisées en statues de Brancusi, les tranches de calcaire ruiniforme traçant des villes antiques ou futuristes. Je triture des camemberts budgétaires, j’ai les doigts qui sentent la tension moisie ou la pressure liquéfiée. Ça s’entasse, s’amasse et se collisionne comme des couches dans les jets de sursauts gamma, là où les chocs se forment.

Au bureau, au musée de minéralogie des Mines de Paris, juillet 2025

Five Days

Viens. C’est le moment où tout change. C’est maintenant. Fais-moi confiance ?

RER B avec Anaïs Nin : glaces Philippe Conticini : sortie condamnée St-Germain-l’Auxerrois : statues en vitrine au Louvre : colonnes le long du Palais royal : passages des temps et des vents : des RER B : dame de pierre ronde en paravent : jardin cyclable à la française : chèvre frais yuzu timut : poutres : glaces bältis sous lampadaire de tilleuls : bus vide de la nuit : Tour Saint Jacques mal famée : escalators et RER B : table ronde et miroir au café éthiopien : bentos pieds au-dessus de l’eau : alcôves damassées cocktails proposals de projets : déluge sur zinc : roulé à la pêche : des trains bleus et une violette : RER B.

Son : Melody Gardot, If the Stars Were Mine, in My One And Only Thrill, 2009

Robert Delaunay, Guillaume Apollinaire, Les Fenêtres. Paris: Imprimerie d’André Marty, 1912. Catalogue imprimé à l’occasion d’une exposition de tableaux à la galerie Der Sturm de Berlin. À droite une lettre de Sonia Delaunay rédigée à l’encre rouge, datée du 3 février 1914, adressée au critique Roger Allard. Christie’s.

Genève

Je n’aime pas les villes suisses et les villes alpines en général. Je n’aime pas les grosses conférences qui brassent les sessions parallèles comme des usines à débiter des proceedings, des posters et des talks. Je n’aime pas avoir cette section efficace si large que mon libre parcours moyen est deux mètres pendant la pause café et de dix mètres quand je sèche les sessions et traverse le hall.

Cachée-perchée dans la vieille ville, de café hipster en café hipster, traversant le Rhône aux effluves d’eau vaseuse, je fais-ce-qu’il-faut. Les dossiers, argumentaires, slides de direction, les corrections de manuscrit de thèse, la préparation de l’ERC…

Andromeda passe en coup de vent, une soirée animée, par dessus des linguine alle vongole, elle déclame à la cantonade, sa vision sur la politique, la politique américaine, russe, palestinienne, israélienne, son téléphone surveillé, sa force optimiste, sa position de challengeuse, je me suis demandé : est-ce parce qu’elle n’a pas d’enfants qu’elle arrive à penser ainsi ? Que le monde est une sinusoïde, qu’il faut juste être né dans la bonne vague, que tout ça va remonter, et de discourir sur la force du local, la déconnexion du Congress avec les questions du peuple, The Narrow Corridor, le pragmatisme intelligent.

Tony m’écrit : « Ce qui me touche chez toi, c’est ta posture un peu punk. » et cette question sur laquelle plancher pour mon personnage de Voix Traversante : « Où allons-nous ? »

Les glaces sont bonnes et chères ici.

L’équipe G., ses bars, ses dîners, son groupe Whatsapp Toblerone à la déconnade hilarante, le sérieux massif de ses présentations en enfilade. O. : sa solennité émouvante lors son talk, et J. ouvrant le bal comme si de rien n’était, simple et brillant.

Il m’arrive des choses étonnantes. Des coups de fil. Des « Tu pourrais réfléchir aux conditions sous lesquelles tu envisagerais d’accepter notre offre ? » Des courbettes, des chapeaux, des sourires, des signes de la main, des poignées de main.

Rien ne me fait vibrer. #EncéphalogrammeEmotionnelPlat

Plan de Genève, avec un plan de la Genève ancienne et un plan de Genève en 1715, C. B. Glot, auteur modèle, Meyer, ingénieur, Grenier, auteur modèle, François Monty (1778 – 1830), diffuseur

Les piliers miaulant de la mer

Mon éditeur m’a passé le dernier Sylvain Tesson en guise de 1378e cadeau, avec cette note : « Pour Electre, des pierres incrustées dans l’écrin de la mer, à défaut d’un chaton. ». Après lecture, lui ai répondu : « Franchement, j’aurais préféré que tu m’offres un rubis, je trouve pas ça au niveau. » Et lui : « Mais non, bêta, la dédicace n’est pas de moi, elle est de l’auteur ! »

Le récit de grimpettes d’aiguilles dressées dans l’eau, un peu partout dans le monde. Certes ça commence par celle d’Étretat, en référence à mon amour de jeunesse, Arsène Lupin. Là s’arrête pour moi l’élégance.

Je ne conçois pas ces défis lancés à soi-même sur les géographies. Ce besoin de dompter la terre et ses aspérités, sans autre but qu’une quête de sensations égoïstes.

Le minéral extrême, je ne sais plus l’apprécier que si j’ai une légitimité à le traverser. En mission sur le terrain dans le désert de Gobi, en Argentine, dans une forêt en Sologne, les doigts gourds sur mes connecteurs d’antennes, les cheveux sales et les lobes d’oreilles plein de sable, je foule le sol avec un but : collecter des messages de l’Univers. C’est dans cette non gratuité que naît le vertige d’être, d’être en ce point de la Terre à cet instant, ce (x, t) qui prend alors sens dans la grande équation.

Sinon, c’est plutôt bien écrit, fluide, pas cliché, avec une certaine poétique, des réflexions pas idiotes. Et surtout ceci, surgi à la fin d’un chapitre :

Les choses arrivent parce qu’elles ont été écrites.

— Sylvain Tesson, Les piliers de la mer, 2025

J’ai pensé aux fictions, aux réalités, aux chatons, aux pierres, et à toutes leurs permutations apparemment commutatives. C’était donc ça, la véritable dédicace.

Au bureau, au cimetière

Le soleil bleu clair tache ma peau – pour le fuir, j’attrape mon sac et son odeur de cuir, la boîte de pâtisseries, sous le bras mon manteau au ruban à défaire. C’est le jardin secret, je m’enfonce entre deux tombes, me baissant sous les branches, les granits oubliés, aux bacs en plastiques dont les fleurs et la terre ont séché, la mousse sous les pieds et les crocus, les muscaris, ça et là, dans un débordement aléatoire et timide. La façon dont s’installe le printemps cette année, plus lente et plus respectueuse que les précédentes, l’éclaircie fraîche des terres et des espaces, d’eau et d’une fluctuation douce de température. Je fais des camemberts budgétaires, j’appelle mon responsable finances. Quelques pierres plus loin, on vaque à ses propres appels, puis on me rejoint, de l’autre côté du rideau de peuplier pleureur. Cuillères de bois au goût de chantilly et de crème de marrons, au goût du rire, assis sur une stèle bancale. J’aimerais expliquer – mais dans l’air les mots n’auraient pas la saveur de ceux posés sur une page – que ces bureaux inventés, c’est ma façon d’appréhender l’essence des lieux, des instants. En partager un côte-à-côte, seuls et ensemble, accessoires et naturels, c’est peut-être l’intimité et la connexion ultimes.

Son : Carpenters, We’ve Only Just Begun / (They Long To Be) Close to You, in The Singles 1969-1973, 1973

Couverture de The Secret Garden, par Frances Hodgson Burnett (1911), illustré par Graham Rust, Godine Publisher, 1987

Au bureau, au Pavillon de l’Aurore

À califourchon sur la rambarde de ce petit pavillon, en surplomb du jardin à la française de cette partie intimiste du Parc de Sceaux – dans ma mégalomanie précieuse, je me sentirais presque princesse. Le chahut de mes garçons qui se coursent sur leurs vélos en contre-bas me rappelle que j’ai passé l’âge d’être princesse [reine, alors ?]. Je grignote des morceaux de L’usage du monde, les traits épais soulignant des cheminements balkans croqués sur le vif, je prépare mon intervention au Sénat du lendemain, j’examine des figures que m’envoie J., nuages de points reconstruits au front d’onde sphérique. Lorsque je tourne la tête, j’aperçois cette lumière, la découpure crème sur le mur qui pose ma silhouette, la lumière, la même qui dore sans exception les surfaces de la Terre tous ces derniers jours, rasant de près la pierre, révélant l’éclosion des minutes suivantes, lumière tendre, brillante, éclatante. Ce secret chuchoté : depuis trois semaines, le monde a changé de lumière.

Son : Oliver Davis, Kerenza Peacock, Huw Watkins, Paul Bateman, London Symphony Orchestra, Voyager, Concerto for Violin & Strings: I, 2015.

La lumière, au Pavillon de l’Aurore, mars 2025.

Au bureau (mais pas trop), dans le Périgord noir

S. m’appelle alors que je suis dans une conserverie, à choisir des anchauds et des cous de canard farcis. Elle me parle AGDG, CDD plateforme et tickets LSST, dans sa diction puissante et italienne, je suis bien trop curieuse pour lui avouer que je suis en vacances, je prends l’appel, dégaine mon ordinateur et note tout ce qu’elle me transmet. Sur son conseil, j’appelle dans la foulée M., son chef.

Le soir bleuté s’installe sur le Périgord noir, P. conduit sur les petites routes surplombant la Dordogne, K. écoute une histoire dans son casque ; sur le siège passager, j’ai mon téléphone coincé dans l’épaule gauche, mon macbook sur les genoux, et la chienne de M. aboie dans le fond. Il me dit qu’il faudra qu’il aille la nourrir, demande avec douceur comment se passe ma direction, confirme les efforts (inespérés) qu’il fera pour notre laboratoire, et entend pour la première fois les besoins financiers, propose des solutions qui prennent leur place exacte.

Tout se passe très bien, dis-je avec sincérité à propos de la direction – et tant que je me sens soutenue par le haut, je gérerai sans problème l’intérieur. Quelques échanges de fleurs de part et d’autres, il me remercie à nouveau pour mon livre. Puis cet inattendu : « Ah, et bravo pour ton portrait dans [quotidien connu]. C’était super, et on était tous très fiers pour le CNRS. » Je réponds – que répondre d’autre ? – : merci, ma maison d’édition fait un super boulot, et si ça peut servir, tant mieux.

Ensuite, K. m’aide à préparer un lit de mâche pour le caillé de chèvre pris à la ferme, je bats une vinaigrette à la ciboulette et moutarde violette, dépose des cerneaux de noix, des grattons de canards, et nous tartinons de belles tranches de pain avec du foie gras. Sous la douche, j’écoute la table ronde du Sénat sur les Femmes & la Science de la semaine dernière. Plus tôt dans l’après-midi, le naufrage annoncé de J. m’avait passablement inquiétée, alors j’avais appelé Da., depuis les routes périgourdines à ses vieilles pierres aixoises, pour savoir si sa semaine était assez peu chargée pour qu’il l’aide à avancer. Notre échange téléphonique, puis les bouts de messages à forces émoticons a la simplicité des esprits connectés.

C’est drôle, la vie, j’écris à mon équipe de direction, en en-tête du bref compte-rendu que j’ai griffonné de mes appels. Je profite de tout, des bisons au manganèse dans l’émotion fêlée de larmes, de déjeuner sur la Vézère dans le froid et la tranquillité, de la petite main de K. qui m’entraîne dans les colimaçons du château de Beynac, des ruelles médiévales en morte saison, de nous dire avec P. notre sérénité. Et de la multitude d’interactions pertinentes dans lesquelles j’ai la chance de construire, pierre par pierre, ensemble, les châteaux de demain.

Son : Cette belle chanson, écrite par Jérôme Attal pour Michel Delpech : Des compagnons, interprété par Michel Delpech, in Sexa, 2009. Je me rappelle avoir lu dans les savoureux #writerslife de Jérôme Attal que Michel Delpech l’avait pris dans le contexte des compagnons de guerre, alors que ce n’était pas son intention, mais qu’il n’avait pas osé le détromper. Le billet a disparu, dans un vieux carnet sans doute.

19-10-1957 – Beynac et Cazenac, Dordogne, 1957