Secrètement eschatologique et implicitement métaphysique

Un être cher me lançait il y a peu : « La personne que tu cherches n’existe pas. Bon courage pour ta quête. » Et moi, avec impertinence : « C’est la quête qui est intéressante. » Je réalise qu’au fond, ce n’est pas une quête, c’est une espèce d’attente. Ironie pour moi qui déteste tant attendre que je me débrouille pour toujours être en retard, mon impatience chevillée au corps, ma petite phrase en pied de nez « Je suis nulle en attente. »

Et il semblerait pourtant… Qu’est-ce que j’attends ? Qui ? Le bouleversement ? Que le prochain événement transitoire illumine le ciel, au moment où nous aurons construit notre détecteur de particules d’ultra-haute énergie ? La démonstration ultime que j’ai de la chance, que je suis, sans conteste, la plus chanceuse de l’Univers ?

Peu avant sa disparition, le philosophe Guy Samama écrivait cet habile assemblage de mots, qui donne sens à ces labyrinthes cérébraux.

Le tragique de l’attente, c’est que sans objet ni projet véritable autre que de continuer à exister, elle définit notre finitude, s’identifie à notre conscience et nous fait sentir notre irrémédiable solitude. Ce que révèle l’attente, c’est une impossibilité ontologique de coïncider avec soi-même alors que cette impossibilité coïncide avec nous-mêmes au point de nous constituer. C’est ce qui fait sans doute sa vocation à la fois secrètement eschatologique et implicitement métaphysique.

— Guy Samama, L’attente : trompe-l’œil du désir, 2016

Son [accompagnement indissociable de ce billet, sans lequel l’expérience est incomplète] : Philipp Glass, Prophecies, in Koyaanisqatsi, 1983

Greg Dunn, HIPPOCAMPUS II. Enamel on composition gold and aluminum, 2010

Écrire – laying the ground

Restée trop longtemps loin de la plume – ici l’exercice est nécessaire, mais ce ne sont que des fibroses, qui peut-être serviront un jour comme tissus pour des gaines plus abouties. J’ai une commande de texte court pour juillet – curieuse, sombre et arythmique, « entre littérature et science » m’a-t-on écrit – en filigrane dans mon esprit. Et sinon je me nourris, je me nourris tous les jours, Mon coach pro me révélait « Tu peux te dégager du temps pour écrire un deuxième livre, et tu travailleras pour ta science et la direction de ton laboratoire. » Au dîner de collaboration, M. me demandait : « Alors tu es dans un deuxième livre pour faire vibrer cet autre pan de toi ? » Je relisais tout à l’heure avec émerveillement le fil distendu et perlé de féerie avec D., fil qui s’est abîmé j’en ai peur, dans la sortie de mon premier livre et dans les pipelines de Cape Town. Et c’est pourtant ce que je suis et ce que j’aspire à écrire, à offrir – cela monte et prend forme dans une architecture bruissante, les filaments émergent, s’agglomèrent, je me nourris en boulimique de la vie des autres, je vis mes vies comme autant d’histoires, j’écoute des podcasts de Jean-Claude Ameisen, des films et documentaires à la voix attachante, je lis L’usage du monde aux garçons tous les soirs pour la friandise des mots, et ce morceau de Glass qui me transperce ce soir : profondeurs des voix graves aux faisceaux d’orgue, mystérieux langage. Je me nourris, les traits courent, pailletés, des éléments aux autres, je m’emplis, et bientôt, la vomissure en un jet, disque et accrétion, tout se prépare à écrire.

Son : Philipp Glass, Koyaanisqatsi, in Koyaanisqatsi, 1983

Image par Chandra en rayons X (données 1999 – 2012) de Centaurus A, une galaxie abritant un trou noir supermassif et produisant un grand jet. Colorisation et traitement par J. Mouette, 2024.

Varsovie [3]

Cent autres films de plus à vivre au meeting de collaboration G. La suite de la semaine, c’est pierogi et shots de vodka au tabasco. Des résultats brillants à la teneur futuriste, des promenades interminables sous les grands arbres qui content le père disparu de Ma. en débit saccadé, le cœur brisé de M. dans un lobby d’hôtel moche, dans des bars et des restaurants, dans le couloir du meeting, la bande de jeunes de notre équipe qui fait ma psychothérapie : « Mais c’est trop la classe ! Faut le faire ! » [une actrice connue me propose d’intervenir dans un documentaire cinéma qu’elle réalise]. C’est l’incroyable croisement géographique et cérébral, les partages en forme d’Histoire, de nation polonaise souterraine pendant la WWII, brasser les millions de RMB et des idées en signal sur bruit, les antennes et les jambes croisées, la dernière fois où avons-nous dîné ensemble ? Paris ? Dunhuang ? Pennsylvanie ou Malargüe ? Nous partageons des cheesecake à la pistache entre les bouchées de mots et de science, je saute sur le porte-bagage du vélo de L. avec ma robe flottante à comètes, et il file dans les rues de sa Varsovie natale [ses fossettes, quand il sourit…]. V.-l’adorable, après dix shots de vodka, n’en finit plus de me dégouliner son projet de fast radio bursts, et s’insurge devant mon aveu d’inutilité : « Pas d’accord du tout ! Tu es et seras toujours la Big Boss forever ! » Ces enfants doctorants qu’on a formés et leur amour filial inconditionnel… La géographie n’a aucune de prise sur nous, que nous mettions dans la poche de nos souvenirs une ville, un repas de plus, notre connexion reste essentielle et humaine, notre collaboration synoptique, universelle. Je bave cette réflexion au micro à la clôture de notre meeting, en tentant de masquer la fêlure dans ma voix. Quel gradient fou pour le projet sur ces deux dernières années, et vous êtes résonnants dans votre diversité. Si heureuse et reconnaissante de faire partie de cette collaboration, merci.

Son : Sam Gendel, Sam Wilkes, Tomorrow Never Dies, 2024

« 2025, c’est l’année où on a appris à détecter des neutrinos de ultra-haute énergie avec de la vodka. Je suis très reconnaissante du transfert de compétences. Merci L. » Dans un bar obscur à Varsovie, juin 2025

Emotions of Normal People

Rouge Dominance, jaune Influence, vert Stabilité, bleu Conformité : DISC1,
Je dirai quelque jour votre communication et vos rapports latents.

Rouge, objectifs précis et détermination
Jaune, charmant et franc en fonction de la situation
Vert, bienveillance et altruisme
Bleu, méthode et perfectionnisme

Charmante déesse aux ivresses pénitentes ;

Bulldozer aux golfes d’ombres,
Qui bombille autour des puanteurs cruelles,
Cycles, vibrements divins des mers virides,
Que la science imprime aux grands fronts studieux ;2

Il me prévient heureusement : cela ne dit pas qui tu es.

Son : Birdy, People Help the People, in Birdy, 2011

  1. Le DISC est un outil d’évaluation psychologique déterminant le type psychologique d’un sujet, créé par Walter Vernon Clarke sur la base de la théorie DISC détaillée dans le livre Emotions of Normal People publié par le psychologue William Moulton Marston en 1928. (Source : Wikipedia) ↩︎
  2. Bouts de vers empruntés à Arthur Rimbaud, Voyelles, in Lutèce, 1883 ↩︎
Arthur Rimbaud – illustrations de Luigi Veronesi, Ed. Dante Bertieri, Milano, 1959

Wadaiko et déphasage

Le Japon, ce n’est jamais neutre. Je me martèle la réflexion dans la tête, au cas où ça me servirait pour la prochaine fois. La renaissance dans des rizières en escaliers dévalant vers la mer [avril 2023], la connexion limpide avec O. à partager des soba [avril 2024], ou la spirale fuselée dans des nuits d’interminable aliénation [septembre 2008, déjà]… jamais neutre.

Je suis partie comme on part en mission « normale ». Comme si j’avais compris ce qu’était le Japon pour moi. Comme si je savais m’y prendre, le prendre, les prendre. (On a parfois de ces misconceptions, chtedjure.)

Dimanche, rentrée dans ma ville de banlieue après avoir traversé le détroit de Bering, le Grand Nord canadien, le Groenland encore danois… Dimanche, donc, bizarre coïncidence : coincée au « stand bouffe » de la fête de l’été de l’école japonaise des garçons, à distribuer senbei, edamame et jus de yuzu. A. et sa classe présentent un spectacle malicieux, le reste est un peu noyé dans mon jetlag et les hurlements d’enfants franco-japonais.

Deux moments à noter :

1. Le concert de wadaiko professionnel, deux tambours qui frappent là où le cœur saute son tour, la transe rythmique traditionnelle, il n’y a que ça de vrai, me dis-je.

2. B., ma bouffée d’air dans le carcan de mamans japonaises que je tiens à grand peine. Il me répond avec légèreté et empathie : « Ah ouais, tu dois être décalquée. Et puis dans ces moments, je sais, on est tellement déphasé, ton cerveau doit avoir du mal à savoir où il est. Et en plus, d’être là aujourd’hui, au milieu d’un simili-Japon, ça doit encore plus être la pagaille… »

Je repensais à cet échange revenant d’un autre comité d’évaluation, siégeant aussi avec des membres 15 ans plus séniors – une mission si différente, de sable et de ce soleil rasant argentin. Mais tout de même, ce mot : déphasage. Le partage, il n’y a que ça de vrai, me dis-je.

Son : Extrait du concert donné par Wadaiko Makoto, mai 2025

◎ Japan Children’s Prints Study Group, 1996

To See Beyond

Ici, la nuit tombe sans transition. L’air est fluide et ma robe noire s’y coule, le long bandeau qui ceint ma taille bat le haut de mon genou. Dîné dans un izakaya avec mon oncle et mes parents, en pèlerinage administratif par hasard au même moment que moi. Je les écoute comme ils évoquent, mon père et son frère, la perte d’intérêt du Japon pour son Histoire, les rangées de maisons traditionnelles à Yokohama – premier comptoir ouvert vers l’Occident –, mai 68 et les émissions radio nocturnes, qui étaient le réseau social de l’époque. Trois sake différents commandés sur une tablette électronique et descendus dans la foulée, ma mère dans sa réserve sympathique à côté de moi. Tous les trois persuadés que je suis une personne hautement importante, puisque d’ailleurs j’ai voyagé en Premium, n’est-ce pas ? Je suis douce, j’absorbe avec verve mais ne le montre pas, je parle peu de moi. Ma robe a posé une peau fluide, elle me permet de tout être, dans mon rôle et dans la distance juste.

Ce n’est pas seulement la robe, et je le sais, lorsque je rentre à l’hôtel, ces sons électroniques éthérés et faciles qui circulent en moi comme circule le bruit de la ville. Je passe devant l’entrée du onsen, celui de nos bains nocturnes avec O., au printemps dernier. Je lui écris : « À Ueno, il ne manque que toi. » Une maman attache sa fille sur le siège vélo à l’arrière d’un conbini, dans une boutique qui ferme, trois grands-mères discutent autour de sacs plastique en vrac. Je vois – comme c’est heureux d’avoir les yeux de nouveau ouverts – je perçois le vertige des vies quotidiennes parallèles, qui me saisit encore plus ici, car les lignes sont millimétrées et ne s’intersecteront effectivement jamais.

Depuis la chambre fonctionnelle de mon business hotel, le Tokyo Skytree fait son show océan, et juste devant ma fenêtre, blanche et insolite, cette coupole d’observation.

Son : Christopher Deighton, Peter Gregson, To See Beyond, in Visionary, 2017

Vue de la fenêtre de mon business hotel, vers la gare de Ueno, Tokyo, mai 2025.

Les piliers miaulant de la mer

Mon éditeur m’a passé le dernier Sylvain Tesson en guise de 1378e cadeau, avec cette note : « Pour Electre, des pierres incrustées dans l’écrin de la mer, à défaut d’un chaton. ». Après lecture, lui ai répondu : « Franchement, j’aurais préféré que tu m’offres un rubis, je trouve pas ça au niveau. » Et lui : « Mais non, bêta, la dédicace n’est pas de moi, elle est de l’auteur ! »

Le récit de grimpettes d’aiguilles dressées dans l’eau, un peu partout dans le monde. Certes ça commence par celle d’Étretat, en référence à mon amour de jeunesse, Arsène Lupin. Là s’arrête pour moi l’élégance.

Je ne conçois pas ces défis lancés à soi-même sur les géographies. Ce besoin de dompter la terre et ses aspérités, sans autre but qu’une quête de sensations égoïstes.

Le minéral extrême, je ne sais plus l’apprécier que si j’ai une légitimité à le traverser. En mission sur le terrain dans le désert de Gobi, en Argentine, dans une forêt en Sologne, les doigts gourds sur mes connecteurs d’antennes, les cheveux sales et les lobes d’oreilles plein de sable, je foule le sol avec un but : collecter des messages de l’Univers. C’est dans cette non gratuité que naît le vertige d’être, d’être en ce point de la Terre à cet instant, ce (x, t) qui prend alors sens dans la grande équation.

Sinon, c’est plutôt bien écrit, fluide, pas cliché, avec une certaine poétique, des réflexions pas idiotes. Et surtout ceci, surgi à la fin d’un chapitre :

Les choses arrivent parce qu’elles ont été écrites.

— Sylvain Tesson, Les piliers de la mer, 2025

J’ai pensé aux fictions, aux réalités, aux chatons, aux pierres, et à toutes leurs permutations apparemment commutatives. C’était donc ça, la véritable dédicace.

Le couple infernal [Acte II, scène 8]

Soir sur le boulevard Saint Germain, lampadaires jaunes, ombres. C’est la veille de l’entretien de L’AUTRICE avec l’éditrice littérature.
L’ÉDITEUR et L’AUTRICE s’engueulent pour l’édification des passants.

L’AUTRICE, en grand exercice d’auto-encensement : La scène de théâtre dans le chapitre 5, elle est sympa, non ?

L’ÉDITEUR, flegmatique : Oui, probablement pas nécessaire, mais bon.

L’AUTRICE, électrochoc : Comment ça, pas nécessaire ?

L’ÉDITEUR : Je t’ai déjà dit que je ne suis pas sensible au théâtre. Je n’ai pas trouvé ça nécessaire, c’est mon point de vue, j’ai le droit.

L’AUTRICE : Attends, il y a plein de gens qui la trouvent marrante cette scène, franchement, c’est léger, c’est utile, c’est efficace, comment tu peux dire ça ?

L’ÉDITEUR : Oui ça fonctionne, et je te l’ai laissée. J’ai juste mon opinion, j’ai le droit, non ?

L’AUTRICE : Encore heureux que tu me l’aies laissée, c’est l’un des meilleurs passages de mon livre ! Tu vois, c’est pour ça que j’ai besoin de parler à une éditrice littérature. Tu n’as aucune sensibilité à la veine littéraire de mon texte.

L’ÉDITEUR : Il y a trois cents pages dans le livre, et tu tires cette conclusion sur une demie page.

L’AUTRICE : Trois pages au moins, et pas des moindres. Mais comment tu peux me faire ce genre de critique maintenant ? Le livre est publié, il n’y a plus rien à faire, et tu me dis que c’est « pas nécessaire » ? (Elle se met à pleurer, façon gamine frustrée.) C’est nul comme propos, c’est blessant, ça sert à rien, tu aurais pu le garder pour toi, j’aurais préféré ne pas savoir.

L’ÉDITEUR : Eh bah très bien, tu vas discuter demain avec L., elle te comprendra, et tu n’auras plus à te farcir mes mauvaises corrections. Je te souhaite une bonne soirée.

L’ÉDITEUR part vers la droite de la scène, déterminé, les mains dans les poches. L’AUTRICE part vers la gauche, déterminée, les mains dans les poches. Leurs épaules s’affaissent au fur à mesure des pas. Juste avant la sortie de scène, ils s’arrêtent symétriquement. L’ÉDITEUR traverse la scène en courant. L’AUTRICE se retourne.

L’ÉDITEUR : Excuse-moi.

L’AUTRICE : C’est très joli. (Un temps.) Et je suis d’accord pour jouer dans ton drame.

Son : West Side Story: Act I: Tonight, Leonard Bernstein, Jim Bryant, Marni Nixon, Johnny Green, West Side Story Orchestra, 1961

Dans la série des couples mythiques au cinéma : Natalie Wood & Richard Beymer, in West Side Story, 1961

Le couple infernal [Acte I, scène 7]

Fin d’après-midi, le long de la Nationale 20 (ils sont descendus du RER).
L’ÉDITEUR et L’AUTRICE marchent d’un pas pressé. L’AUTRICE pragmatique et plutôt détachée, L’ÉDITEUR de plus en plus agité et ému.

L’AUTRICE : Puisque je te dis que je veux seulement discuter avec cette éditrice littérature. Et puis quand bien même je travaillerais avec elle, c’est quoi ton problème ?

L’ÉDITEUR : Tu ne comprends pas. C’est de l’ordre de la névrose pour un éditeur, de perdre un auteur. Un auteur, c’est précieux. Moi je ne suis rien, sans toi. Rien.

L’AUTRICE : Mais tu ne m’as pas perdue, je n’ai jamais dit que je ne travaillerais pas avec toi ensuite. Je vais discuter avec elle.

L’ÉDITEUR : Tu ne te rends pas compte, je sais très bien comment ça se passe. Mais je ne veux pas t’influencer. (Geste racinien, avec main devant les yeux.) Oui, discute avec elle, je t’ai mise en contact, c’est très bien.

L’AUTRICE : Je ne comprends pas. Qu’est-ce qui va se passer ?

L’ÉDITEUR : Mais Electre, je lui sers un diamant sur un plateau, bien sûr qu’elle va s’en saisir, elle va te bichonner, te convaincre, te séduire. Elle aurait tort de ne pas le faire, c’est ce que je ferais, moi, à sa place. Vous ferez un beau livre ensemble, et c’est très bien. Et moi…

Ils se sont arrêtés le long d’un restaurant désaffecté, à côté d’un feu. Les voitures freinent puis démarrent, beaucoup de bruit.

L’ÉDITEUR, sanglots dans la voix : Et moi je te lirai quand ce sera sorti. Va discuter avec elle et vivre tes rêves. C’est ce que tu veux faire depuis trente ans.

L’AUTRICE est appuyée sur le mur du restaurant, elle observe. L’ÉDITEUR sort un mouchoir de son sac.

L’ÉDITEUR, entre les larmes : Tu veux écrire de la fiction. Tu vas lui parler, ça va très bien se passer, et tu n’auras plus besoin de moi. Va avec elle et oublie-moi.

L’AUTRICE, en contemplation : C’est très beau, ce que tu me fais. (Sourire un peu navré.) Mais je refuse de jouer dans ton drame.

Son : Warner Bros Studio Orchestra, Play It Sam… Play « As Time Goes By », in Casablanca, Original Motion Picture Soundtrack, 1942

Humphrey Bogart & Ingrid Bergman, dans Casablanca, 1942