Septembre

Je note pour ne pas oublier : ce début d’automne, orteils gelés dans les ballerines et la caresse grise quand on ouvre les volets, le premier marron et les chemins éculés de l’école.

Je m’entoure au rideau du soir de mes deux petites têtes brunes, bouillottes dans le grand lit, et je leur lis : une heure et demie de Novecento, d’une traite – sur la fin la voix comme une éraflure. Et j’ai bien fait, parce qu’un texte comme ça, ça se prononce à voix haute. Ils rient et ils ont les larmes aux yeux, et nous sommes transatlantiques tous les trois des centaines de fois. Le lendemain, je mets Petrucciani dans la cuisine, et nous nous disons : c’était peut-être un peu comme ça, quand il jouait, Novecento. Je leur lis aussi Ann of Green Gables – en japonais. Et nous allons leur acheter des chaussures en cuir à prix d’or, des cahiers de musique, des pains au chocolat amande et moi un cortado au lait d’avoine. A. me parle de sa nouvelle prof de piano avec un sérieux appréciatif ; une adorable américaine vient avec ses deux petites filles parler anglais aux garçons, au matin je lave et démêle longuement les cheveux d’une poupée de K. avec du Mir Laine. Ils me rappellent Pâques dernier en Pennsylvanie, d’un coup comme s’ils avaient senti le fil tendu, la façon dont ils se connectent à moi, m’entourent et m’aident dans la maison avec discrétion et affection, et se mettent à se tirer eux-mêmes vers le haut. Douce trêve.

O. est dans le Gobi à tester les antennes. Il m’envoie une photo : « Voilà la « Electre’s Room » » pour la prochaine fois où je me joindrai à eux. J’en piaffe d’impatience et je prends patience.

Je sais que maintenant, c’est le moment où l’on se recentre, où l’on se reconstruit dans l’automne et la France, c’est le moment des intensités apaisées où j’abats les tâches jour et nuit, le moment de calme après les mélodrames Netflix de l’été dans la collaboration G., le moment où mon livre s’édite en arrière-plan. Le moment où je pense et prépare la suite. Les suites. Toutes les suites, surtout celles dont je n’ai aucune idée et qui ne se préparent pas. Je consens à tout ce que la vie me réserve. J’espère juste qu’elle y a mis un peu d’écriture.

11 septembre 2023 dans ma ville de banlieue où j’étais en transit, échappée de mes bois, enfoncée dans une crise existentielle, tarée et connectée comme jamais ou comme toujours. D’un 11 septembre à un autre, les immenses vagues bipolaires des intensités et des apaisements, toutes formidables.

Altas céleste de Dunhuang

L’archiviste de la British Library de Londres m’entraîne dans le dédale de ses sous-sols avec sourire, couettes et lunettes papillon. Elle m’évoque l’astronome Jocelyn Bell dans les années 1960, à l’époque où elle était étudiante et découvrait les étoiles les plus petites et plus puissantes de l’Univers. Elle parle vite et beaucoup, avec un accent d’un comté du nord que je ne saisis pas toujours. […]

Devant moi s’étale une bande de quatre mètres de papier d’écorce de mûrier, sertie de plus de 1300 petits points annotés de caractères chinois et connectés entre eux. Datant du VIIème siècle, il s’agit de la plus ancienne carte d’étoiles existantes. Elle a été retrouvée intacte, après mille deux cents ans à sommeiller dans une grotte bouddhiste sur la route de la Soie, près de la ville historique de Dunhuang, dans le désert de Gobi.

Je ne sais pas à quoi je m’attendais à la vue de ce document. À être transpercée par la connaissance et la connexion suprême ? Qu’un jet de matière et de lumière me sorte du coeur et rejoigne les confins de l’Univers ? Q’une pluie de particules cosmiques de ultra-haute énergie pleuve soudainement sur mes détecteurs, justement installés dans le Gobi, et que mes collègues m’appellent en urgence sur mon téléphone pour m’annoncer la nouvelle ?

Bizarrement, rien de tout cela. (Quelle déception.)

Ai passé la semaine à mettre un doigt de pied dans la « salle des cartes » envoûtante de l’astronomie chinoise. Je me suis lancée dans une nouvelle version d’avant-propos pour mon livre – entreprise à la fois heureuse car délire fabulé, et laborieuse et frustrante par manque de temps. Si je pouvais, je passerais une année entière à lire sur le sujet et à aller causer aux spécialistes.

Heureusement, mon éditeur me coupe dans mon élan, en m’écrivant que mon premier avant-propos – sobre et court – est parfait, et que stop ! je ne dois plus toucher à mon texte, car il entre en phase de mise en page.

Son : déjà mis en ligne ici, mais la quintessence des atlas mise en musique : Steven Gutheinz, Atlas, in Atlas, 2018.

Détail de la carte stellaire de Dunhuang, ca. 649-684. Numérisée par les soins de l’International Dunhuang Programme et le British Museum pour contemplation ici.
Et puis cette photographie que j’adore de Jocelyn Bell Burnell, parce que c’est avec ce sourire, ces couettes et cette pêche qu’on a envie de faire de la physique. Au Mullard Radio Astronomy Observatory à Cambridge University, en 1968. © Getty – Daily Herald Archive/SSPL

Kurt Gödel* est mon ami

Les journées sont stressantes.

Welcome back to Paris, probablement.
Ou bien : Welcome back to real life?

Tout me bouffe. Je me laisse bouffer par tout.
Il y a trop d’interactions, le social m’épuise.
Je tiens les clés de trop de choses, des résultats scientifiques pour lesquels il faut se battre, toujours les montagnes russes de la collaboration G., comme une marmite qui bout et qui déborde autour d’individus.

Je suis incomplète : en partant dans les bois, j’avais mis du temps à translater l’entièreté de moi-même ; ici, c’est pareil, j’ai laissé une partie de mon cerveau en Pennsylvanie. Je me sens limitée cérébralement – je crois que P. est dans le même état. Nous sommes un couple de zombies qui nous sommes coulés dans une vie obsolète, alors que tout en nous est modifié. Nous n’avons pas encore trouvé comment vivre ici.

*Kurt Gödel : logicien, mathématicien et philosophe autrichien, dont le résultat le plus connu est le théorème d’incomplétude de Gödel. Wikipédia [ne me demandez pas d’expliquer] : « Le théorème d’incomplétude de Gödel affirme que n’importe quel système logique suffisamment puissant pour décrire l’arithmétique des entiers admet des propositions sur les nombres entiers ne pouvant être ni infirmées ni confirmées à partir des axiomes de la théorie. Ces propositions sont qualifiées d’indécidables. »

Son : Massive Attack, Teardrop, in Mezzanine, 1998

Le sourire de la lune, suspendue sous l’aile de l’avion Air France Chicago-Paris, juillet 2024

Mécaniques des esprits

Retour, quatorze heures de route sous la pluie, la nuit, la mécanique des essuie-glace, lorsque les hurlements autistes se sont annulés dans mes écouteurs, je songe aux équilibres et déséquilibres familiaux, à la nécessité de rompre cette convention sociale de toujours partir en vacances en famille, et je fais un tri rapide et précis dans ma tête en sabrant mes appréhensions : comment s’organiser à Paris, comment être mère et diriger un laboratoire, quelle prof de piano pour mes enfants… Cette année américaine a posé en moi un sens plus aigu des priorités, des choses qui n’ont pas d’importance, la confiance tranquille en les opportunités – je ne crois plus à la prise de tête. Je repense aux conseils précieux de R. : identifier ce qui requiert absolument mon intervention et le reste, ce sur quoi les gens eux-mêmes doivent prendre leurs initiatives et décisions. Cette année, j’ai enfin compris que la plupart des choses qui me concernent ne sont pas graves. Et j’ai la chance d’être entourée de mousquetons qui permettent toujours des solutions.

Le monde suit son cycle absolu : paix, crises, difficultés, frustrations, montée d’extrémismes manichéens comme idées sur-simplistes d’humains non rodés à la réflexion complexe. Les haines focalisées comme gouvernance et chapeau au chaos, la lutte pour la vie… L’incendie d’Argos, s’ils sont innocents, ils renaîtront.

Enfoncée dans mon siège passager, à la lueur bleue d’un réseau hésitant, j’ai réservé pour la saison 2024/2025, deux pièces de théâtre, trois concerts à la Philharmonie, une comédie musicale au Châtelet et Martha Argerich aux Champs-Élysées. De quoi me rendre l’envie de retourner à ma Ville Lumière ; me nourrir, et nourrir mes garçons, de toute la lumière possible, pendant qu’il est encore temps.

Son : Devics, If We Cannot See, in Push the Heart, 2006

À NYC, quelque part vers Penn Station, février 2024

Chicago Dissection – Part IV

Lorsque les sens se noient dans la bouillie cérébrale, heureusement, il reste le squelette bienvenu des mots. Voici en quelques points la dissection d’un état estival post-frénésie. Le feuilleton dégoulinant de l’été – fin.

Au retour, il y a des petits bras qui me rendent à la normalité. Les petits bras sont ronds, ont une peau parfaite et bronzée, et me répètent, comme une rengaine depuis des mois : « Maman, je t’aime, je t’aime plus que tout, je veux toujours rester avec toi. Maman tu sens bon. Maman t’es belle. Maman t’es trop forte. » Et c’est dans ces paroles séculaires, merveilleuses, éculées, d’une gratuité et d’une confiance absolues, que je retourne à la terre et à l’existence mammifère.

Son : Yumi Arai, やさしさに包まれたなら (Enveloppée par la tendresse), in Misslim, 1974

Les ascenseurs du Fisher Building à Chicago, là où tout a commencé il y a 15 ans. Juin 2024

Chicago Dissection – Part III

Lorsque les sens se noient dans la bouillie cérébrale, heureusement, il reste le squelette bienvenu des mots. Voici en quelques points la dissection d’un état estival post-frénésie. Le feuilleton dégoulinant de l’été.

Il y a A., blonde et bouclée, cheveux et lèvres serrés, la voix qui ne tremble pas mais presque, chemisier et taches de rousseur, qui dit : « Et j’ai suivi les instructions RH à la lettre, pas d’empathie, pas pardon, je l’ai regardée dans les yeux, j’ai dit les mots, vous êtes licenciée, et on a dû lui répéter plusieurs fois parce qu’elle ne comprenait pas l’anglais. But I’m fine. It’s okay. » Et l’autre, plus grande, blonde aussi, qui lui répond : « Est-ce qu’on revient de ça ? Est-ce qu’on se retrouve ? » Moi je suggère, d’une voix plus douce : « Le fait que ça t’affecte tant, c’est précieux. Ça veut dire que tu es toujours toi-même. Ce serait plus simple, bien sûr, de passer à un stade où ça ne t’affecte plus… Mais est-ce qu’on a envie de ça ? » A. pousse un soupir : « Dans ces moments-là, je pense à Andromeda. Elle a dû faire ça des dizaines de fois. Mais comment ? Il doit y avoir un moyen. »

Jeudi soir, croisière dînatoire de conférence sur le lac Michigan – Chicago s’est parée d’un coucher de soleil dramatique. Accoudées sur le pont, nous regardons toutes les deux les lumières se refléter sur les tours du South Loop où elle habitait avant.

Je dis : « J’avais peur, au moment de prendre l’avion, de venir ici. Chicago sans Andromeda, ce n’est plus tellement Chicago. »

Et A. de m’avouer que depuis qu’Andromeda a pris son nouveau poste, elle ne reçoit plus aucune réponse à ses messages, même urgents. Je souris : « Mais ça veut dire que tu gères toute seule, tu n’as plus besoin d’elle. » Puis : viens, faisons un selfie pour elle !

J’envoie à Andromeda nos sourires de fortes-amères sur fond de flammes : In Chicago and missing you SO much. Et immédiatement sa réponse : In Hong Kong and missing you both!

Chicago, depuis le lac Michigan, juin 2024

Ce n’est que bien plus tard, une fois rentrée, que les choses ont enfin pris leur sens. Qui saura que cette semaine a été la culmination de tout, une puissance, une clôture ? Il y quinze ans Andromeda m’a prise sous son aile à Chicago. J’en suis partie, mais sans partir. Toujours je suis revenue à Chicago me ressourcer, prendre son conseil et confiance avec un verre de vin et des bricoles brésiliennes.

Ce printemps, c’est Andromeda qui est partie prendre de la hauteur à New York. Et elle s’est arrêtée sur sa route chez moi, en Pennsylvanie.

Une ère se termine et une autre commence. Tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai été cette semaine-là à Chicago, c’est Andromeda qui me l’a appris. A., moi, d’autres, nous prenons son relai à travers le monde.

Au moment de cette réalisation, je pleure longtemps à grands sanglots. P. me dit : « Mais c’est bien. » Oui, c’est bien. C’est bien, mais c’est terrifiant, c’est terrifiant de perdre ses repères, de devenir soi-même un repère, c’est terrifiant de devoir prendre ce relai-la, d’être la personne qui donne et non plus celle qui reçoit. De se rendre compte qu’on est en train soi-même de former la relève.

Son : Sufjan Stevens, Chicago, in Come on feel the Illinoise, 2005

Chicago Dissection – Part II

Lorsque les sens se noient dans la bouillie cérébrale, heureusement, il reste le squelette bienvenu des mots. Voici en quelques points la dissection d’un état estival post-frénésie. Le feuilleton dégoulinant de l’été.

Avec aplomb, j’ai entraîné ma petite foule enthousiaste au Miller’s Pub et à Blue Chicago, et dans les avenues inquiétantes du Loop dans mon propre pèlerinage. Jusqu’à la dernière minute, avec tant de joie, j’ai peaufiné ce travail entrepris collectivement depuis des semaines : faire résonner les présentations des uns et des autres pour construire une storyline unie. C’était joli, notre session G. où nous nous renvoyons des gentillesses et nos expertises au fil de nos propos. Et ce sera toujours ça que je mettrai en avant dans G., le plaisir du partage.

Mais ce rôle, c’en est un, et il vient avec un coût. D’habitude, nous faisons ça en duo avec O. ou avec les membres de la direction de mon laboratoire. Cette semaine à Chicago, j’étais seule responsable – responsable de l’élan positif, de protéger mon expérience contre le scepticisme clanique, introduire du liant pour être acceptés dans une communauté déjà constituée.

Dans les coulisses, seule à chercher à résoudre, encore et encore, les problèmes des autres, et prendre entre les bras les larmes et les chaos, avec un lot de blâmes, d’insécurités de jeunes et de moins jeunes.

Et quand tout est terminé, les résultats sortis, les étapes franchies dans G., les présentations brillamment données par toute l’équipe, et le networking effectué, la représentation achevée, je sais le travail accompli par tout le monde, le mien aussi… et je fais un vol plané dans le néant et l’épuisement.

Son : Pixies, Where is My Mind? in Surfer Rosa, 1988

Alexander Calder, Flamingo, 1973, sur la Federal Plaza, Chicago. Juin 2024

Chicago Dissection – Part I

Lorsque les sens se noient dans la bouillie cérébrale, heureusement, il reste le squelette bienvenu des mots. Voici en quelques points la dissection d’un état estival post-frénésie. Le feuilleton dégoulinant de l’été.

Il y a celle à la carrure grande et forte qui me raconte comment un ministre l’a appelée « Madame » tout en donnant du « Docteur » à son collègue. L’autre qui m’explique qu’elle avait mis du temps à accepter de bien s’habiller car elle avait peur que les hommes ne la voient plus comme une expérimentatrice. Elle me montre ses talons taupe : « Mais j’ai toujours dans mon bureau une paire de sneakers sales pour aller dans mon lab. » Je déballe à mon tour ce moment mémorable où un chercheur « bienveillant » m’a demandé comment j’allais gérer mon stress, à la présentation de mon projet de direction.

Et puis, dans la chaleur abêtissante, sur les bancs de bois du Plein Air Café, j’écoute longtemps une jeune doctorante aux cheveux longs qui dit : « Je ne comprends pas pourquoi, dès que j’ouvre la bouche, il me fait comprendre que c’est nul, et dès que c’est mon camarade, c’est toujours super. C’est comme ça depuis des mois, je n’en peux plus. »

Plus tard, me faire crier dessus dans les rues sombres du Loop par le directeur de thèse en question, à qui j’expose la chose – avec trop peu de tact et de stratégie. Encaisser, écouter, garder mon calme, et faire tourner mon cerveau très vite pour sortir de ce non-sens émotionnel qu’on m’inflige.

Je crois que c’est tout cela qui m’a terrassée, cette violence et cette solitude infinie – la solitude d’être celle à qui on s’accroche, celle responsable de l’âme de la collaboration G., celle qui doit tenir et être irréprochable dans un monde dur et biaisé.

Son : Clara Ysé, Pyromanes, in Oceano Nox, 2023

Joan Miró, Miró’s Chicago (titre original : The Sun, the Moon and One Star), 1981, caché entre le Cook County Administration Building et le Chicago Temple Building. Juin 2024

Une semaine à Nanjing

Souvenir de Nanjing, mai 2024

Au lendemain de mon arrivée, dimanche à 6h, sur le sol devant la salle de bain, j’hésite entre le rire et l’atterrement. Urgences en solitaire : rien de cassé, poignet foulé. Cataplasme anisé couleur excrément : médecine chinoise. La veille, cette post-doctorante qui vient me chercher à l’aéroport, puis invitée à dîner et présentée aux professeurs par Z., comme si j’étais une personne importante. La réunion de collaboration G., nous la menons épaule contre épaule avec O., dans notre connivence parfaite, nous atténuons ou résolvons ce qu’il y a de tensions, l’un et l’autre chacun de notre côté, et bien sûr ensemble avec nos sensibilités combinées – et cinq heures de sommeil par nuit. Les résultats présentés pendant la semaine (dont une bonne fraction produite par P. – je glisse à O. : avec vous deux, je suis doublement bien mariée !) donnent l’ampleur de la marche franchie, et l’enthousiasme est contagieux quelle que soit la culture. Ma virée à l’hôpital en solo m’a valu le respect des collaborateurs chinois, alors quand je leur dis que je n’ai pas peur du désert, de ne pas me laver, du trou en guise de toilettes, du froid et des planches dures, mais que je ne veux pas partager de dortoir avec O. (et cinq autres collègues), ils ont l’amabilité de ne pas me taxer directement de précieuse. Au banquet, Z., passablement ivre, vient me balancer de doux éloges – qui vont dans le sens de la « déesse autoritaire et bienveillante ». Amusant contraste, au moment des adieux, Pf. me sort : « Quelle chance d’avoir une personne aussi nice que toi à la tête de cette collaboration. Et entre asiatiques, on se comprend si bien. » Moi qui craignais une réserve liée à mes origines japonaises, en particulier à Nanjing, soulagée de voir que mes collègues ne m’ont pas étiquetée des horreurs historiques passées.

À l’aéroport, Z. m’écrit encore de très jolies choses. Et il termine sur une capture d’écran. « Je voulais afficher ça pendant la réunion, mais je n’en ai pas trouvé l’occasion. Je te l’envoie à toi. » J’embarque pour une longue série de vols, avec une radio du poignet comme souvenir imprimé, et les larmes aux yeux. C’est une citation de Confucius :

Recevoir la visite d’amis venant de loin, n’est ce pas le plus grand bonheur ?

Magnifique Hilary

Quand je retrouve le concerto pour violon de Sibelius au détour d’un entretien sur France Musique avec Hilary Hahn, c’est une triple sensation de retour dans des bras chers, un embrassement qui va à l’embrasement. J’aime dans Hilary Hahn cette intelligence fougueuse et gracieuse. On la sent terriblement cérébrale, mais avec cette amplitude culturelle et une sensibilité parfaitement dosée. Avec elle, on peut se laisser emmener dans des tréfonds musicaux et ré-émerger nourrie, pleine d’allant, mais les pieds sur terre. C’est ça bien sûr qu’il faut viser dans la vie – ces dernières semaines, je me suis perdue dans les petitesses et les insécurités, il faut pourtant toujours être dans l’aventure et la grande humanité, retrouver quelque part la certitude et l’éternelle motion.

Son : Jean Sibelius, Concerto pour violon, Op. 47 : III. Allegro, ma non tanto, interprété par Hilary Hahn et le Swedish Radio Symphony Orchestra, dirigé par Dieu, pardon, Esa-Pekka Salonen. Et j’adore le commentaire si nature de Hilary Hahn sur ce mouvement « C’est fun, c’est si rock. »

Hilary Hahn interprétant Sibelius, au CSO, 2019