Les cailloux se patinent sous les particules de sable et les UV faussement tendres. La peau, elle, brûle en fin de journée.
« Are you happy with your day? » demande O. à la cantonade dînatoire, baguettes en l’air sur son bol en plastique jetable, plein de nouilles et de pattes de poulet épicées.
Le bonheur a diffusé doucement et sûrement dans mes pores, bonheur fou d’être là, au cœur du Gobi, à fouler les mêmes croûtes de sable que l’année dernière, dans l’air froid qui pique comme au ski, me sentir chez moi à des centaines de kilomètres de la civilisation, dans cette plaine qu’habitent nos antennes solitaires.
Dès l’aube, ballotée sur les pistes pendant des heures, épaule contre épaule avec O., dans une symbiose telle qu’on ne l’associe plus à des sentiments descriptibles. Il dit avec gouaille et affection : « Vraiment, on est arrivé à un tel point de confiance – enfin, on s’est toujours fait confiance, hein – mais là, on se connaît tellement bien, que c’est d’une fluidité… » suivi d’un bon quart d’heure à s’envoyer des fleurs sur nos qualités respectives.
Avec Pf, parcourir le site à la recherche des silhouettes d’antennes parmi les accidents de sable, mesurer leur position précise avec un instrument GPS, puis vêtir deux d’entre elles d’une jupe qui leur retirera des bruits parasites… Je fais de nombreux allers-retours en 4×4 seule, à toute allure dans les tracés de rivières, pour récupérer du matériel manquant à la base ; au couchant nous prenons des selfies, l’antenne dans son nouvel habit a l’air d’une alsacienne.
Jusque tard dans la soirée, O. et V. se prennent la tête sur un code qui ne marche pas, F. est coincé à l’aéroport depuis la veille avec sa valise perdue, je mange du chocolat noir équitable et loue la merveilleuse nouvelle machine nespresso qui me permet d’être dans la Work Room avec tout le monde malgré mes 3h de sommeil. Fr. débugge mes problèmes de migration de fichiers, je trace le spectre des antennes à robe.
Je sors de nombreuses fois faire pipi dans la nuit, il fait glacial, -4 degrés, et notre préfabriqué au portail de fer forgé brille sous la Grande Ourse. Je rabats ma capuche pour la vue périphérique, je tourne sous la Voie lactée, où que je regarde ces monceaux d’étoiles, tant de ciel, tant d’univers, et cette journée dans le terrain comme s’il m’appartenait – comme si cette expérience était mienne… ensemble on l’a dessinée, avec O., Pf et les autres, et aujourd’hui elle me porte dans son lit de désert, elle m’accueille et m’adopte. Je joue à l’expérimentatrice, l’exploratrice, un peu à la spokesperson, et voilà tout est juste, tout m’emplit d’un étrange bonheur. (O. m’écrit : « On a eu l’ERC. » )
Son : Efterklang, Dreams Today, in Piramida, 2012











