Carbon & Carbide

La nuit tiède de Chicago m’accueille à la sortie du concert. Je me coule dans son scintillement, la Prudential tower, Michigan Avenue… je rejoins mon ancien doctorant S. (en co-encadrement avec O.), sur un rooftop bar, tout en haut de la Carbon & Carbide Building faite de dorures centenaires. Il me suit avec enthousiasme dans mon « luxe scientifique », les cocktails et les lames de poisson translucides sur des billes de yuzu, pendant que nous constituons sa présentation de vendredi. Tout n’a pas toujours été très simple avec S. pendant sa thèse et la pandémie. Mais ce soir nous partageons les ragots et le plaisir de présenter G. au monde, et maintenant tout est si simple : la façon dont il saisit à la volée les résultats tout nouveaux que je lui mets sous le nez, la logique stratégique, les affinités humaines. Nous marchons jusqu’à deux heures du matin le long du lac Michigan, jusqu’à North Avenue Beach où nous faisons des selfies avec la plus belle skyline de la ville.

J’aime comme enfin nous nous retrouvons : il n’a peur, ni de se coucher tard, ni de préparer ses transparents à la dernière minute, de présenter des analyses qu’il n’a pas faites lui-même, pour la collaboration. J’entends dans ses prises de position ma voix et celle de O. et cela me touche. Je suis émue de le voir ainsi grandi, de le voir interagir avec aisance avec tous les membres de la conférence, et être si bien intégré parmi les jeunes. Émue surtout de découvrir cette force tranquille que je ne lui connaissais pas.

C’est toujours le meilleur moment, d’observer l’envol de ceux dont on a ébauché la carrière. Vendredi, pendant son talk, O., qui suit la conférence en ligne depuis Paris, m’écrit :

« Il est bon quand même ce con.
— Ouais. Faut absolument qu’on lui trouve un poste.
— Je suis sûr qu’il en aura un. Il est trop bon et motivé pour être mis de côté. »

Ou alors c’est moi qui ai écrit la première ligne… Entre O. et moi, c’est toujours heureux, cette intelligente interchangeabilité. Et notre fierté et affection commune pour notre progéniture.

Chicago depuis North Avenue Beach, la plus belle skyline de la ville ! Juin 2024.

Un brin baroque certainement

Ce soir, ciel menaçant gris teinté de roses – et vent, comme s’il tournait. L’air plein d’humus et de sève, d’odeur rance des maisons américaines, et la pluie à venir. Je m’échappe dans mon bar aux lampes Tiffany pour siroter un cocktail pendant que je fais tourner des codes Python qui grimpent dans l’ionosphère à la recherche de la frappe qui marquera le sol d’un anneau Cherenkov. Ces derniers jours, enfin au cœur des actions, à la recherche du bruit galactique, à construire une banque de simulations, à écrire des équations ! Et cette ligne tant attendue dans mon courrier ce matin : « un brin baroque certainement, trop précieux par endroits mais efficace et surprenant : bravo ! » Les éditeurs parlent une langue qui leur est propre.

Son : John Harle, RANT!, interprété par la BBC Concert Orchestra et surtout Jess Gillam, flamboyante, au sax soprano, pour un shot de pêche et de joie teinté de folklore Cumbrian.

Entre chien et loup en Pennsylvanie, et la poubelle des voisins. Juin 2024

Nit-a-Nee* Spirit

C’est très bizarre cet assèchement de mots soudain. Cette inutilité que je ressens à m’exprimer ici. Ma non envie absolue d’effleurer le texte de mon livre. La Pennsylvanie est chaude et humide, mais la forêt n’a pas le même parfum que celui des montagnes de Nanjing. Tout me semble obsolète : les musiques d’il y a quelques semaines, celles d’il y a un an. J’arpente les collines de la ville, de café en bureau, d’école à notre maison américaine, parfois je suis heurtée par une odeur, une couleur à l’ombre des feuillages, quelque chose qui me rappelle mon arrivée l’été dernier. Quelle étrange année ça aura été. Ces deux derniers mois, c’était un véritable « sabbatique académique », éloignée des tracas administratifs, les mails et les fils de discussions s’éteignant vers midi, mes longues plages d’après-midi et mes nuits à lire encore et encore, des papiers, des bouquins de physique, des pages Wikipédia, à triturer des données, à enfin comprendre des notions de science et aussi de son Histoire, à écrire bien sûr, tous ces chapitres, à délirer dans des mondes parallèles. La science est restée, l’écriture s’est évaporée. Que suis-je devenue cette année ? Je crois que la Pennsylvanie et son décalage horaire m’a sauvé d’un burn-out, m’a reconstituée à moi-même, j’ai tout arrêté : les contraintes sociales, les enfants, les ennuis, la perfection… Il faudrait, en retournant à Paris, réussir à conserver cette porte fermée. Ne pas m’engager dans cette frénésie et la surenchère d’activités, cette optimisation insupportable du temps. Il faudrait arriver régulièrement à couper tout réseau et ne plus être disponible qu’à moi-même. Au fond, étrangement, j’ai confiance que les choses se mettent en place de façon différente, que l’équilibre se pose dans notre vie, car la quarantaine nous a fondamentalement changés dans notre état d’esprit. Ou alors c’est la Pennsylvanie.

Son : Judy Kuhn, Just Around the Riverbend, in Pocahontas, The Walt Disney Company, 1994.

*Il se conte dans ces vallées boisées des histoires sous multiples variantes d’une princesse Indienne prénommée Nit-a-Nee, toujours des histoires d’amour tragiques, de clans et de luttes contre les éléments, le chuchotis du vent, des montagnes, et un lion.

Les dream-catchers de Carolina Caycedo: Spiral for Shared Dreams au MoMA, NYC

Une semaine à Nanjing

Souvenir de Nanjing, mai 2024

Au lendemain de mon arrivée, dimanche à 6h, sur le sol devant la salle de bain, j’hésite entre le rire et l’atterrement. Urgences en solitaire : rien de cassé, poignet foulé. Cataplasme anisé couleur excrément : médecine chinoise. La veille, cette post-doctorante qui vient me chercher à l’aéroport, puis invitée à dîner et présentée aux professeurs par Z., comme si j’étais une personne importante. La réunion de collaboration G., nous la menons épaule contre épaule avec O., dans notre connivence parfaite, nous atténuons ou résolvons ce qu’il y a de tensions, l’un et l’autre chacun de notre côté, et bien sûr ensemble avec nos sensibilités combinées – et cinq heures de sommeil par nuit. Les résultats présentés pendant la semaine (dont une bonne fraction produite par P. – je glisse à O. : avec vous deux, je suis doublement bien mariée !) donnent l’ampleur de la marche franchie, et l’enthousiasme est contagieux quelle que soit la culture. Ma virée à l’hôpital en solo m’a valu le respect des collaborateurs chinois, alors quand je leur dis que je n’ai pas peur du désert, de ne pas me laver, du trou en guise de toilettes, du froid et des planches dures, mais que je ne veux pas partager de dortoir avec O. (et cinq autres collègues), ils ont l’amabilité de ne pas me taxer directement de précieuse. Au banquet, Z., passablement ivre, vient me balancer de doux éloges – qui vont dans le sens de la « déesse autoritaire et bienveillante ». Amusant contraste, au moment des adieux, Pf. me sort : « Quelle chance d’avoir une personne aussi nice que toi à la tête de cette collaboration. Et entre asiatiques, on se comprend si bien. » Moi qui craignais une réserve liée à mes origines japonaises, en particulier à Nanjing, soulagée de voir que mes collègues ne m’ont pas étiquetée des horreurs historiques passées.

À l’aéroport, Z. m’écrit encore de très jolies choses. Et il termine sur une capture d’écran. « Je voulais afficher ça pendant la réunion, mais je n’en ai pas trouvé l’occasion. Je te l’envoie à toi. » J’embarque pour une longue série de vols, avec une radio du poignet comme souvenir imprimé, et les larmes aux yeux. C’est une citation de Confucius :

Recevoir la visite d’amis venant de loin, n’est ce pas le plus grand bonheur ?

Obsolescence programmée

Couverture de Constantine Balanis, Antenna Theory, 1982

À l’université, je vais directement à l’imprimante. Je serre contre moi cette liasse de pages. Je ne veux pas les lire, je les range au fond de mon sac. Mon Antenna Theory pèse une tonne sur mon épaule. Je me pose dans un café, j’en grignote des chapitres et lis des papiers sur le beam-forming ; avec un étudiant, je m’engouffre dans les données prototypes à la recherche de bruit galactique. Je ne veux pas m’arrêter – et puis aussi, je plonge tête la première dans la préparation de la grande messe annuelle de la collaboration G.

Je me disais : j’ai écrit ce que je voulais. Trente-cinq ans que je voulais écrire. Et finalement, pas besoin d’un roman ; ce livre, c’est ce qu’il fallait cracher, il me ressemble aujourd’hui dans mon entièreté. Me voilà satisfaite. C’est comme si une case était cochée et que mon cerveau était passé à autre chose. J’ai envie de faire autre chose maintenant, quelque chose de nouveau que je n’ai pas encore touché.

Cette obsolescence programmée, je ne sais qu’en faire. J’aurais pourtant cru que l’écriture était ancrée en moi comme une identité. Mais même revenir ici ne m’intéresse plus tant. Est-ce que je vais mettre ma plume dans cette boîte à souvenirs de ce-que-j’ai-touché-et-ne-suis-plus ? J’attrape, je touche tout ce qui passe, m’intéresse et connecte aux domaines, aux choses, aux gens – mais je ne suis éternellement que de passage. Où est-ce que ça me laisse ? Dans quel monde ? Quel intérêt ? Et que serai-je ? Aurai-je jamais une quelconque consistance, un corps – ou serai-je pour toujours cette coquille superficielle, fausse et vide ?

Son : Stacey Kent & Quatuor Ébène, Sting, Fragile (Arr. for String Quartet And Vocals), in Brazil, 2014

Boréale

22h30. Je découvre les nouvelles. Je bondis hors de mon lit où, en pyjama, je m’étais installée pour écrire quelques lignes de mon chapitre. Nous réveillons les enfants, leur enfilons un pull, leur doudoune, les embarquons dans la voiture ; au matin, A. me dit qu’il a rêvé qu’on était partis à la chasse aux aurores boréales, que nous avions roulé longtemps dans la nuit, dans les forêts et les montagnes.

Les nuages blanchissent le ciel, illuminé à l’horizon par notre petite ville universitaire. Il pleut par intermittence. Ce serait un miracle que nous voyions quoi que ce soit.

Mais les miracles, ça nous connaît, P. et moi. Alors, lorsque j’applique mon iPhone sur l’obscurité, vers la trouée entre les arbres, au nord, sur notre crête, les photons violets emplissent mon écran.

J., à qui j’envoie mes quelques prises, me parle de Rothko et du mystère de mes images, ce qui finit de les sublimer. Ce qu’elles contiennent, surtout, c’est ma surprise au moment de leur révélation. Elle n’ont aucune qualité, je n’ai même pas cherché à les stabiliser, mais l’étonnement imprimé est leur intérêt.

Dans la voiture, ensuite, alors que nous roulions sans succès à la recherche d’une éclaircie, je faisais remarquer à P. que ça faisait un sacré paquet de photons tout ça, pour que ça diffuse, même à travers les nuages, et que ça emplisse la surface minuscule qu’est le capteur de mon iPhone. « Alors que nous, on cherche à détecter 3 neutrinos de ultra-haute énergie. Et même un seul, ce serait la folie. »

Son : Peter Gregson, Time, in Touch, 2015

Aurores boréales en Pennsylvanie, 10 mai 2024 © Electre

Magnifique Hilary

Quand je retrouve le concerto pour violon de Sibelius au détour d’un entretien sur France Musique avec Hilary Hahn, c’est une triple sensation de retour dans des bras chers, un embrassement qui va à l’embrasement. J’aime dans Hilary Hahn cette intelligence fougueuse et gracieuse. On la sent terriblement cérébrale, mais avec cette amplitude culturelle et une sensibilité parfaitement dosée. Avec elle, on peut se laisser emmener dans des tréfonds musicaux et ré-émerger nourrie, pleine d’allant, mais les pieds sur terre. C’est ça bien sûr qu’il faut viser dans la vie – ces dernières semaines, je me suis perdue dans les petitesses et les insécurités, il faut pourtant toujours être dans l’aventure et la grande humanité, retrouver quelque part la certitude et l’éternelle motion.

Son : Jean Sibelius, Concerto pour violon, Op. 47 : III. Allegro, ma non tanto, interprété par Hilary Hahn et le Swedish Radio Symphony Orchestra, dirigé par Dieu, pardon, Esa-Pekka Salonen. Et j’adore le commentaire si nature de Hilary Hahn sur ce mouvement « C’est fun, c’est si rock. »

Hilary Hahn interprétant Sibelius, au CSO, 2019

Promenade dans une forêt exotique et dans quelques déserts

Je sors de chez moi dans une jungle humide. Hier, il faisait à peine douze degrés. Soudain il en fait presque trente et la pluie des dernières semaines est remontée du sol pour saturer l’air. Le vert m’assaille de toutes part comme un plongeon dans l’été. Immédiatement mon corps réagit comme si c’était le temps de l’étirement, de la lascivité, des départs sur de longues routes au bout du monde, bordées d’eaux et de villages. 

Hier, enfin j’ai fini par me sortir du décalage horaire que je traînais et qui me dégommait dans le sommeil le soir tombé. Jusqu’à une heure du matin, j’ai arpenté des déserts avec une antenne dans le coffre, essayé de poser ce sentiment de minéral absolu dans mon chapitre. Pour retrouver mes sensations, j’ai fouillé dans de vieilles pages, et j’ai retrouvé ceci. Je n’ai pas envie que O. soit injustement taxé de harcèlement ou autre non-#metoo-itude par les temps qui courent, alors ça ne finira pas dans mon texte. Mais je me disais : c’est dommage, parce que c’est exactement ça, notre relation. Le partage des aventures et des choses belles dans une telle convergence, que l’appel et la connexion transcendent tous les formats.

Henri Rousseau, Femme se promenant dans une forêt exotique, 1905, à la très bizarroïde Barnes Foundation, Philadelphie – à visiter absolument pour un shot d’art impressionniste et d’incongruités.

Une philosophie de vie

Longtemps, je n’avais rien à dire, je ne comprenais rien, tout était embrumé, je n’étais qu’impostrice dans une toute petite fenêtre, et toute cette insécurité me fermait à la science qui n’était pas mon propre jardinet, que je faisais semblant de mépriser, c’était plus facile. Que s’est-il passé ? J’ai travaillé avec des gens de tous horizons, j’ai décidé de sortir de cette zone de confort, de faire de la radio, d’aller dans les déserts visser des boulons et lire des oscilloscopes, j’ai décidé d’encadrer des étudiants merveilleux sur des sujets aventureux que je ne maîtrisais pas, j’ai joué avec les données G., O., inlassablement, a répondu à mes questions stupides, j’ai passé un an et demi à écrire ce livre, et j’aime tellement le fait que ma fenêtre sur la science, sur la vie, s’ouvre toujours un peu plus grand.

Et cela me fait apprécier encore plus l’étendue vertigineuse de mes méconnaissances, être impressionnée de cette cathédrale de la science qui se fait de la combinaison de tant d’artisanats, tant d’expertises, de tous azimuts. C’est heureux d’avoir une petite place dans cette Humanité-là. Ce métier, ce n’est pas un métier. C’est une philosophie de vie.

Kashiwanoha, Japon, avril 2024

V. : la physique en partage

V., mon adorable et brillant V. que j’affectionne comme s’il y avait un lien de sang-intellectuel. C’est ainsi que ça doit être, le rapport entre ancienne directrice-ancien doctorant. Cette sensation d’avoir tant reçu-tant apporté, d’avoir su d’emblée qu’il me surpassait sur tant de coutures, et en même temps son regard et ses mots doux quand il me répète encore « C’est parce que j’ai été à bonne école ! »

Son discours pourtant mesuré, mais étayé et critique sur l’expérience neutrino phare en France, les dessous qu’il me conte, et puis la foi et la joie qu’il a à travailler sur le projet G. ; il me dit : « Attends, vous vous débrouillez super bien avec O. , et il y a plein de choses qui se passent et qui convergent en ce moment, c’est top ! » S’il savait, lui dis-je, ce qu’on essuie et qu’on éponge, et les hauts, les bas, et le nombre de personnes, y compris internes à la collaboration, qui pensent qu’on est des guignols…

De longues heures, nous parlons simulations neutrinos, nous parlons de ces curieux effets vus par M. dans les simulations de gerbes inclinées, les anneaux Cherenkov qui ne tombent pas aux bons endroits, les dépendances en fréquences… nous regardons les équations et échangeons nos interprétations.

Depuis toujours, alors que O. est dans le pragmatisme et la nécessité de trouver des méthodes pour faire fonctionner l’expérience – et il a bien raison –, V. et moi nous sommes retrouvés dans ce titillement de comprendre les effets physiques avec des équations. Je lui ressors des vieilles notes, des facteurs de boost avec des gradients de densité, et j’adore notre émerveillement partagé à sentir les bouts de physique se matérialiser entre nos doigts.

Quand il était venu dans mes bois en janvier, il s’était enthousiasmé sur les destins d’étoiles massives sur lesquels il préparait un cours. Je sortais de mon énième ré-écriture de mon chapitre Chandra, et quand j’avais évoqué mon émotion sur la masse de Chandrasekhar, son enthousiasme, la joie résonnante et presque romantique que j’avais trouvée chez lui m’avaient scotchée.

J’avais repéré chez V. le sens de la fabulation. Son manuscrit et sa soutenance de thèse contaient déjà une histoire, je savais déjà qu’il y avait chez lui, malgré et avec toute sa réserve, sa tendance à rougir, sa modestie absolue, et son sens de la collaboration et du service, sa gentillesse, son ouverture au monde et sa maturité extraordinaire, je savais qu’il avait la fibre du story-telling vis-à-vis de la science.

J’ai toujours eu la chance de tomber sur des doctorantes et doctorants passionnés, capables de rester des heures suspendus à leurs codes et calculs, à m’écouter parler science et stratégie, à déjeuner, prendre des cafés en causant physique sans jamais se lasser. Ils avaient chacun cet amour taré de la résolution du puzzle et une vision transportée de notre rôle dans l’Univers, une envie de comprendre et de faire briller la physique. Et la preuve que finalement le système n’est pas trop mal fait, c’est qu’ils ont tous trouvé une place dans la recherche.

À la fin de notre conversation, nos arguments taris, le plan de bataille décidé, je le retiens encore cinq minutes… et j’ai tant de mal… tant de mal à lui demander ce que je souhaite lui demander. Mon émotion et le fil quasi brisé de ma voix augure mal de ce que je vais devoir affronter lorsque mon livre sera sur la place publique. Je finis par lui dire après mille détours que j’écris un livre de science – ce sur quoi il s’enthousiasme – et si je peux le citer comme protagoniste. Car c’est une évidence finalement, comment parler de ce domaine et y esquisser quelques lignes de ma propre navigation sans parler de V., de C. ? (et en filigrane de K., de F., de S., M. … c’est grâce à eux que je me suis construite, je leur dois tant.)

C’est bien dommage que je n’aie pas le talent et la place pour rendre, dans ce livre du moins, la sensation de maille infinie qu’est ce domaine et ce métier. La façon dont les idées se construisent et mûrissent, entre rebonds, confiance et appréciation. Je déblatérais les propos que je tenais ici tout à l’heure à V., mais je n’avais même pas besoin de terminer mes phrases qu’il les menait au bout. C’est lui-même qui me dit, posé mais avec verve : « On n’a jamais fait des grandes découvertes en ayant peur de s’engager pleinement dans des choses nouvelles, en étant négatif sur les projets qui émergent, en ne faisant que des choses jalonnées et itératives. C’est pour ça que sur ** je n’y trouve pas mon compte, et que c’est beaucoup plus cool de travailler sur G. avec vous ! » Lorsque les jeunes que vous avez formés y croient encore plus fort que vous, c’est probablement que vous ne vous êtes pas trop trompé.