On se sent significativement mieux exister
avec un sèche-cheveux de compétition.

Argos, neutrinos, lunatisme et autres bêtises
On se sent significativement mieux exister
avec un sèche-cheveux de compétition.
La gracile jeune fille Amish
sourire espiègle, joues fraîches
coiffe immaculée
robe émeraude longue des siècles passés
qui nous sert du ice cream par plâtrées
blueberry cheesecake, chocolate peanut butter, mum’s cake batter
pour $2.50
dans des pots gigantesques en polystyrène
Image : Little House on the Prairie, 1975
Crochet à la bibliothèque à laquelle j’inscris les enfants et moi-même, directement je vais au rayon « P », et la drôle de joie d’y trouver Sylvia Plath – bien que dans sa version abrégée/censurée par son mari Ted Hughes –, qui dès lors m’accompagne partout, dans la salle d’attente du DMV, à mes pieds dans le 4×4, au bord du lac à Bald Eagle, à mon chevet, dans ma cuisine. Les quelques pages dont je m’infuse au fil de la journée deviennent ligne de vie, ancre, motif or sur fond vert pastel, le réconfort de savoir que tout a déjà été vécu, pensé, souffert, écrit.
I want to write because I have the urge to excel in one medium of translation and expression of life. I can’t be satisfied with the colossal job of merely living. Oh, no, I must order life in sonnets and sestinas and provide a verbal reflector for my 60-watt lighted head. Love is an illusion, but I would willingly fall for it if I could believe in it. Now everything seems either far and sad and cold, like a piece of shale at the bottom of a canyon – or warm and near and unthinking, like the pink dogwood. God, let me think clearly and brightly; let me live, love, and say it well in good sentences, let me someday see who I am and why I accept 4 years of food, shelter, and exams and papers without questioning more than I do. I am tired, banal, and now I am getting not only monosyllabic but also tautological. Tomorrow is another day toward death, (which can never happen to me because I am I which spells invulnerable). Over orange juice and coffee even the embryonic suicide brightens visibly.
— Sylvia Plath, The Journals of Sylvia Plath, Ed. 1982.
On aurait presqu’envie de redevenir Undergrad, d’errer dans les allées fleuries de ce campus en robe cintrée des fifties, un sac en bandoulière et des notes dedans, on aurait envie de passer ses journées à rire, causer, fumer sous les porches coloniaux de ces immenses maisons centenaires de bois et de briques. Les arbres ont le même âge, les coffeetrees, les érables rouges forment une canopée sur l’ensemble de la ville, dans une respiration verte, si verte. Étrange et délicieuse enclave savante au milieu des champs, pâturages, et collines boisées creusées d’eaux et de grottes. Il y a ici quelque chose d’aliénant et d’inspirant, d’apaisant dans le nourrissement.
Natsume Sôseki écrivait justement à l’époque où cette université commençait à fleurir :
Lorsque le mal de vivre s’accroît, l’envie vous prend de vous installer dans un endroit paisible. Dès que vous avez compris qu’il est partout difficile de vivre, alors naît la poésie et advient la peinture.
— Natsume Sôseki, Oreiller d’herbes, 1906.
Je tente une asphyxie cérébrale, l’étouffement des mots et des sens par la logistique et les contingences terrestres. Pas de musique, pas de lecture, pas d’écriture. Uniquement l’achat de papier toilette, la recherche de soutien humain (nanny) et moteur (buick), le remplissage de numérologies et hiéroglyphes (DMV), l’hémorragie bancaire.
Mais on n’éteint pas ses narines, et la ville a cette odeur américaine de bois de construction humide et de grands feuillages qui portent leur ombre de l’autre côté de la route. On n’éteint pas ses oreilles, et les insectes pennsylvaniens savent perler leurs propres Nocturnes. Les glaces des crèmeries de l’université fondent et croustillent sur le palais.
Alors, lorsque la maison devient silencieuse, propre, les meubles chinés et à leur place, les lettres et les chiffres inscrits dans leur cases, il n’y a pas d’autre choix que de se poser devant une page blanche, dans sa cuisine américaine, et de vivre l’autre moitié : celle qui n’existe que parce qu’écrite.