Un été Anaïs Nin [6]

Anaïs parle de ses horcruxes ou de sa multiplicité :

J’ai le sentiment qu’un choc initial a rompu mon unité, que je suis un miroir brisé. Chaque morceau s’en est allé vivre sa vie. Ils ne sont pas morts sous le choc (comme dans certains cas où j’ai vu des femmes qui sont mortes à la suite d’une trahison et prennent le deuil, abdiquent tout amour, ne renouvellent jamais le contact avec l’homme), mais ils se sont séparés en différents « moi » et chacun a vécu sa vie.

— Anaïs Nin, Journal (1931-1934),
Trad. Marie-Claire Van der Elst, revue et corrigée par l’auteur.

J’avais dit à P. sur la route Fleurance-Auch-San Sebastian : « Ça fera bizarre de lire Anaïs Nin en Espagne. » Je pensais alors Louveciennes, Montparnasse, Clichy. Mais comme lui fait remarquer par lettre son père retrouvé (cubain, spécialiste de la musique traditionnelle espagnole qu’il a remise au goût du jour… et incestueux), il y a de l’espagnole qui bout en Anaïs, parmi ses multiples facettes. Ça prouvait a posteriori que c’est là qu’il fallait aller cet été, dans la fraîcheur de la Costa verde, à la lire et à la partager à la lueur des lampadaires, sur les marches de l’église San Isidoro el Real d’Oviedo, aux petites heures de la nuit.

Son amant et muse réciproque, Henry Miller, lui écrit :

Anaïs, votre beauté m’a ébloui. Vous étiez là comme une princesse. C’était vous l’infante d’Espagne, et non pas celle que l’on m’a désignée ensuite. Vous m’avez déjà montré tant d’Anaïs, et maintenant celle-ci. Comme pour prouver votre versatilité protéenne.

Son : Michel Camilo, Tomatito, La Fiesta, in Spain Again, 2006

Iglesia de San Isidoro el Real, Oviedo, août 2025