Le Domaine [2]

Ce que l’on fait lorsqu’on perd la tête… Je pensais à ces reines qui ont baissé la garde, et qui se sont faites poignarder de la main aimée ou envahir sur leurs terres. Qui ont tout perdu, jusqu’à leur âme parce qu’elles avaient oublié que la Cause, jamais, ne se résume à une personne.

Qu’ai-je fait ? Donné les clés de mon Domaine ? Oui bien sûr, cela, je l’avais fait volontiers, et il y a longtemps. Mais comme cela ne semblait pas suffire, comme on ne voulait pas entrer et s’y plaire, j’ai arraché de mes propres mains les ronces sur les murs, puis les murs-même, j’ai demandé aux ouvriers de les abattre, ils sont venus avec leurs tabliers rouge-Electre, pierre par pierre ils ont démantelé le mur Sud, là où pourtant je ne supporte pas le soleil.

Ensuite ? Ensuite, il y avait le lac sans fond, trop noir et terrifiant pour s’y baigner ou même se promener, alors je l’ai comblé, je l’ai comblé en y larguant tout ce qui n’était pas apprécié, les vibrations trop populaires, je les ai mises là, et l’eau est passée au turquoise.

Ce que l’on fait… J’errais de pièce en pièce emplies d’objets, dans les allées ensoleillées que je ne connaissais plus, je n’entendais plus le son de ma propre ombre, grondante et scintillante, au pulse gamma éclectique et aux ondulations infimes de l’espace-temps

je n’entendais plus celle que l’on ne partage pas. J’avais oublié, un temps – le temps de mes bruissements à cent à l’heure, et pourtant les horloges, je les avais détruites, mais elles me couraient après –, qu’ici, il n’y a qu’une reine : la solitude.

Redressez les murs, doublez la hauteur, plantez les ronces, doublez la densité, fermez s’il vous plaît ce portail à double tour.
La clé ?

Son : Astor Piazzolla, dans cette version noire et étincelante au pianoforte de Viviana Lazzarin, Invierno, 2016

Pour sauver le monde, Jon Snow assassine par surprise Daenerys Tagaryen, la reine folle dont il est épris, au cours d’une dernière étreinte. Game of Thrones, 2019