Au Sélect, boulevard Montparnasse.
L’AUTRICE et L., l’éditrice littérature, la quarantaine, diction pointue, longue jupe Devernois.
L. : J’ai relu tout Stephen King pendant l’été. C’est très intéressant du point de vue de la construction, comme il nous prend et ne nous lâche plus, cette technique-là. Et même s’il n’a pas forcément une « belle » écriture comme il le souhaiterait, puisque son modèle, c’est Maupassant, ça n’en est pas moins efficace.
L’AUTRICE : Je n’ai jamais réussi à lire Stephen King. Et je n’aime pas trop le style de Maupassant.
L. : En tous cas, lancez-vous. Je ne donne pas de conseil, mais s’il y a une seule chose qui me semble essentielle, c’est la discipline. Il faut vous mettre une routine et travailler quotidiennement. Comme Murakami ou Amélie Nothomb.
L’AUTRICE : Parfait, j’adore la discipline. Et la routine, c’est mon kif absolu. [Pour ceux qui ne connaîtraient pas L’AUTRICE, ceci est ironique, NDLR]. Et si j’arrive avec un texte ?
L. : Déjà il faut qu’il soit complet. Début, milieu, fin, tout. On ne peut pas juger sur quelque chose d’inachevé. Encore moins sur un pitch. On peut écrire des livres complètement différents avec le même pitch, ça n’est pas ça qui nous permettra de juger. D’ailleurs on ne jugera pas de la même façon chez nous ou dans d’autres maisons. Il y a de fortes chances que vous vous fassiez retoquer. Et des chances que ça marche ailleurs, aussi. Là comme ça, je ne peux pas vous dire.
L’AUTRICE : Ok. Donc, mon éditeur me disait que vous alliez me bichonner et me séduire, mais en fait pas du tout ?
L. : Eh non, très chère, il a fumé. Ou alors il est amoureux. Ou surtout névrosé comme tous les éditeurs. Vous savez, c’est une relation compliquée auteur-éditeur. On parle de couple infernal…
Son : Ella Fitzgerald, Happy Talk, 1955
